7/11/2007

le carnassier avale le carnaval d'acier

et puis il y avait elle, bien sûr. elle me revient souvent, au hasard d'un cou, d'une démarche, d'un cul. elle me revient de dos la plupart du temps. ce cul, mon dieu. tous les types du lycée en étaient fous. tous les types l'aimaient. on l'envisageait tous. tous. moi aussi, bien sûr, et je croyais bien être le seul. mais non ; mais à peine sortait-elle fumer une clope qu'ils débarquaient tous. à peine levait-elle le petit doigt pour quoi que ce fut, ils étaient tous là. à minauder. l'air de rien.
j'ai eu quelques moments privilégiés avec elle. beaucoup de fantasmes aussi. la plus belle fille du lycée. on a passé quelques minutes au soleil sur un banc dans la cour à parler littérature, j'avais trop chaud et l'impression de sentir mauvais, d'être grossier, d'avoir des traits grossiers et d'être tout rouge, de postillonner et de bafouiller, j'avais peur de lui souffler mon haleine salée de sueur dans le nez. elle, elle était tellement belle, et elle m'écoutait parler parler parler pour lui faire oublier mes boutons d'acnée alors que moi je rêvais de l'écouter l'écouter l'écouter en la regardant en la regardant en la regardant.
j'ai eu, aussi, une poignée d'heure de perm' à bosser la philo avec elle. à lui expliquer deux trois trucs que je maîtrisais à peu près et elle pas du tout. j'essayais de la faire rire et comme elle était très nature elle riait volontiers. avec les autres aussi, bien sûr. bon.
j'ai eu quelques déjeuners à la cantine à côté d'elle pendant que les autres gâchaient tout en lui racontant des blagues salaces et qu'elle riait quand même, de bon coeur, sans la moindre trace de gène. son rire lumineux à leurs grossièretés, quelle majesté.
un jour d'examen blanc j'ai quitté la salle en me retournant juste pour l'apercevoir une fraction d'instant, le temps de saluer les copains d'un geste de la main. je saluais, mais juste pour pouvoir la voir elle. ce qu'il s'est passé, c'est qu'elle me regardait partir. elle avait dû me regarder me lever, ranger en silence mes affaires dans mon sac de lycéen, et peut-être, probablement, me suivre des yeux jusqu'au bureau du surveillant à qui j'ai remis ma copie de philo. elle me regardait, sinon comment expliquer qu'elle me souriait déjà quand je me suis retourné pour la voir ?
on la voulait tous. moi j'ai eu ça. j'ai eu ça. ce sourire irradié. j'ai eu ça.