12/20/2007

la douceur des orages

pudeur, éducation, la peur de passer pour un con : il y a des choses qu'on ne dit pas aux filles. ce qu'elles bouleversent quand elles vous regardent en souriant. leurs grands regards doux et bleus qui vous happent, absorbent. le monde tout à coup est en coton. vous perdez l'équilibre. vous rougissez, vous blanchissez, une fraction de seconde bascule une journée.
les jours passés s'obscurcissent doucement mais vous serrez bien fort dans votre mémoire un bouquet d'éclats brillants : la silhouette d'A. dans l'encadrement d'une porte, par exemple : on l'appelle, elle se tourne : le mouvement blond de ses cheveux vous coupe le souffle. le lui dire ? la trouver dans son bureau et lui jeter maladroitement votre émotion au visage ? pudeur, éducation, la trouille de bafouiller et mille excuses. ce n'est pas tout, il y a des époux, des hiérarchies, toutes sortes de contrats non écrits. est-ce le malaise que vous souhaitez introduire ? et vous-même, à quelle infidélité êtes-vous prêt à faire face ?
ne rien dire, c'est encore sublimer. c'est éviter de faire chuter dans le vulgaire ce qui est si beau. dire c'est dévaluer, réduire forcément, omettre. parler c'est se débattre comme un noyé dans l'explication, l'accumulation de détails qui ensevelissent le noyau essentiel. il est impossible de traduire les orages qui frappent le ventre au moment où vous saisissez le regard probablement involontaire d'O. sur vous, regard qui, peut-être un peu gêné, vous fuit. ce qui vous touche n'est même pas tant qu'elle ait pu vous regarder. c'est cette lumière, dérisoire pourtant, mais voilà, cette lumière sur sa joue dans cet instant. le grain de la peau. les joues, les cils, les yeux. rose, noir, bleu.
ne rien dire c'est laisser aussi se nouer l'entrelacs d'un dialogue intime. une compréhension tacite qui porte plus loin que les mots, parfois. un signe, un geste, une gorge qui rosit, vous vous êtes compris. c'est beau, aussi. c'est brûlant et soyeux. je sais pourtant qu'il y aurait tant à avouer. un aveu, et jouissez du bonheur de l'effet sur elle. toute l'orgueilleuse, bluffante, désarmante, insaisissable plénitude de la féminité sur son sourire vous ébranle sans que vous ne puissiez rien faire. nulle infidélité, nulle trahison pourtant. nulle morale insultée. cela aussi, ensuite, sûrement, sont des choses qu'on ne dit pas.

11/26/2007

nuque 'em all

une mèche sur une nuque, c’est quand même beaucoup plus émouvant qu’une paire de seins. quand je le lui dis elle ne me croit pas, me traite de faux jeton. et pourtant.
c'est tellement délicat. c'est tellement sensuel. ta mèche, elle bouleverse mes sens, le bide en champ de bataille. ses reflets noirs trahissent la grâce, il faudra bien que tu t'y fasses. cette mèche là-bas érige des trucs ici bas. fais pas l'innocente.
il y a cette mèche qui perle sur ta joue à la naissance du cou. par pitié ne fais pas attention à moi. continue à regarder celui à qui tu parles. pendant ce temps, moi, je peux contempler ta mèche, ta joue, ton cou. lui, pas. j'engloutis ce privilège avec une suavité féroce, la babine salive. quelque chose de violent hurle "à moi". tectonique dévastatrice de la fragilité.
et puis je sens cette petite bulle acidulée qui monte dans ma gorge, se coince, et gargouille. dans ma tête tout vibre et pétille quand j'aperçois ta jolie mèche. elle est là pour moi.
le vrai plaisir, c'est de vouloir tendre la main, pincer tes cheveux entre mes doigts et les lover derrière ton oreille. le vrai plaisir, c'est d'avoir envie de frôler la peau de ta joue à la naissance du cou, là où ça frissonne, tandis que je roule la mèche à ton oreille. le vrai plaisir, c'est de regarder ton profil et les cheveux qui lèchent ta joue. et ne rien faire.
je voudrais tant que tu ne la sentes pas quand elle boucle sur ta nuque et l'effleure. cette petite caresse ne te dérange pas, je voudrais qu'elle te détende sans que tu t'en aperçoives jamais. tu lui dois beaucoup et tu ne le sauras pas. je lui dois beaucoup aussi mais moi je le sais. tes cheveux et moi sommes complices.
toute la vulgarité du monde s'efface. une simple mèche et tout s'apaise. tout est délicatesse. une mèche, je n'en demande pas plus pour retrouver le goût des choses. tout peut se broyer, s'effondrer, s'affronter, perdre ou gagner, tout peut lutter, vindictes assassines et cynismes justiciers, l'horreur acide ou la banalité crasseuse, le bien, le mal, les imbéciles et les crétins, moi j'ai vu glisser de ta joue vers ton cou toute la beauté du monde.

9/20/2007

du bonheur simple de les regarder vivre

trenchs gris, jupes droites, bas noirs, bottes hautes. que j'aime l'automne !

9/17/2007

chagrin pour soi

on en ose des trucs quand on a quatorze ans. on en a de l'audace plein le tann's, les jean's neige rock'n'roll et les patchs à tête de mort pour dire qu'on n'a pas peur, nous, d'envoyer le monde entier se faire foutre. les profs, les parents, la société, l'avenir : on empale tout sur un majeur dressé bien haut. mais allez donc dire à cette fille que vous l'aimez.
sur la photo de classe, on espère être le seul à la voir. on espère que les autres passeront à côté de son sourire si beau. elle est discrète, aux bras de ses copines, il y en a une qui la fait rire et heureusement parce que sinon elle ne supporte pas les photos, elle. sur les photos elle fait la tête quand on ne la fait pas rire. loin, loin, plus loin encore de ce jour de photo de classe quelqu'un que vous ne connaîtrez jamais l'entendra dire cette aberration : "je ne suis pas photogénique". vous en voudriez à ce type, pour un peu. lui, ce salaud, il aura le loisir de la regarder dire ça, et probablement rougir aussi. il sera là, l'oeil en coin, rien à faire de ce qu'elle raconte, juste il la verra dire "je ne suis pas photogénique" et il prendra beaucoup de plaisir à l'écouter dire ça. pas pour ce qu'elle dit, mais pour le plaisir de l'aveu. cet aveu complètement faux. il y a des millions d'aveux faux, comme ça.
sur la photo de classe vous cherchez les mots pour la décrire. ses yeux, sa peau, ses cheveux même, vous comprenez l'importance des cheveux, l'importance fondamentale des cheveux, la puissante douceur des cheveux. vous gagnez deux, trois ans de maturité en comprenant l'importance des cheveux, grâce à la photo de classe. bref vous reprenez le portrait : l'élégance du port, la luminosité du sourire, non, la lumière, c'est plus juste : la lumière du sourire, oui, enfin un mot juste, vous continuez, vous cherchez, et puis de guerre lasse vous laissez tomber. elle est belle, un point c'est tout. c'est à peine si vous remarquez que sa copine accrochée à son bras a déjà des seins plus ronds qu'elle, et pourtant : cette ligne légère sur le tissu, vous vous en souviendrez longtemps. Vous serez pour longtemps touché sans le savoir par la grâce des petits seins, et vous le lui devrez, à elle. ça mettra du temps, vous verrez. mais vous verrez. les petits seins bientôt vous bouleverseront au-delà de tout.
juste belle. et puis un jour vos copains se mettent à plaisanter. ils l'ont vue, eux aussi, et pas que sur la photo de classe. ils vous l'arrachent, elle n'est pas qu'à vous. c'est violent. c'est douloureux. eux ne voient pas les seins, ils se moquent même de ses petits seins. mais le reste ne leur échappe pas. ils ne savent pas pourquoi mais ils savent qu'elle est au-dessus. vous, vous savez pourquoi : elle est juste magnifique cette fille. pour ne rien montrer vous donnez le change. "oui, pas mal". pourvu qu'elle ne sache jamais que vous avez dit ça.
un autre jour l'un d'entre eux lui déclarera ses sentiments. pour sa première fois il fera les choses dans l'ordre, c'est-à-dire mal. vous apprendrez qu'elle l'aura éconduit gentiment. sans moquerie. et vous vous moquerez de lui. pour mieux masquer la jalousie évidemment. lui, il l'a fait. ca aurait très bien pu marcher. quel soulagement.
la fin de l'année approche. impossible de ne rien faire. prendre le risque de ne rien risquer, impossible. ca peut marcher. on ne sait jamais. si elle vous jette, la honte ne durera pas, c'est la fin de l'année. vous tentez une lettre. vous enflammez un poème. vous consumez une chanson. un peu et vous écririez une ode. ça vous obsède, ça vous retourne la tête, vous en bandez par avance, et puis par mégarde voici que vous vous relisez. vous pleurez, vous raturez, vous rayez, vous sabrez. à la fin ne restent que trois mots. dans très très peu de temps vous les aurez oubliés parce que ce dont vous vous souviendrez est tellement plus important, c'est ce geste complètement dingue : vous glissez la lettre dans sa poche. toute la journée se déroule autour de ça : vous l'avez fait. si vous aviez encore une pointe de fierté vous iriez retrouver celui qui, il y a à peine quelques semaines, lui avait déclaré sa flamme et, fi des moqueries, vous célébreriez volontiers votre courage, vain, oui, mais ensemble.
votre lettre n'est pas signée. ça vous laisse une porte, une issue de secours. ça vous permet de nier, au cas où, comme de dire "c'est moi". bien joué. mais vous n'oserez jamais dire "c'est moi". le lendemain elle vous coincera entre deux portes, entre deux cours, vous n'aurez pas l'idée déplacée de regarder ses seins et pourtant vous vous en souviendrez, des années plus tard vous vous en souviendrez encore, et c'est à peine si vous en parlerez tant l'émotion sera forte encore. les émotions d'ado, quelle déflagration, tout compte fait.
mais donc elle vous coincera entre deux portes et elle vous dire "merci pour la lettre." d'ailleurs elle rougira un peu. et vous aussi, parce que jamais vous n'aurez vu jusque là quelque chose d'aussi beau. oui, vous vous le direz : d'aussi beau. quel autre mot ?
le jour d'après vous lui demanderez comment elle a su. "le style. ça ne pouvait être que toi. et puis tu as rougi."
aujourd'hui encore vous vous rappelez cette histoire avec un pincement. elle vous a percé à jour sur le style et vous avez adoré ça. cette fille, vraiment. ça l'a touchée, ce style, en trois mots. incroyable. et vous, des années après, ce frisson, toujours, sous la peau. oui, vous l'avez atteinte sur une audace. combien peuvent s'en vanter ? mais tout de même : vous n'auriez pas été contre un baiser.

7/11/2007

le carnassier avale le carnaval d'acier

et puis il y avait elle, bien sûr. elle me revient souvent, au hasard d'un cou, d'une démarche, d'un cul. elle me revient de dos la plupart du temps. ce cul, mon dieu. tous les types du lycée en étaient fous. tous les types l'aimaient. on l'envisageait tous. tous. moi aussi, bien sûr, et je croyais bien être le seul. mais non ; mais à peine sortait-elle fumer une clope qu'ils débarquaient tous. à peine levait-elle le petit doigt pour quoi que ce fut, ils étaient tous là. à minauder. l'air de rien.
j'ai eu quelques moments privilégiés avec elle. beaucoup de fantasmes aussi. la plus belle fille du lycée. on a passé quelques minutes au soleil sur un banc dans la cour à parler littérature, j'avais trop chaud et l'impression de sentir mauvais, d'être grossier, d'avoir des traits grossiers et d'être tout rouge, de postillonner et de bafouiller, j'avais peur de lui souffler mon haleine salée de sueur dans le nez. elle, elle était tellement belle, et elle m'écoutait parler parler parler pour lui faire oublier mes boutons d'acnée alors que moi je rêvais de l'écouter l'écouter l'écouter en la regardant en la regardant en la regardant.
j'ai eu, aussi, une poignée d'heure de perm' à bosser la philo avec elle. à lui expliquer deux trois trucs que je maîtrisais à peu près et elle pas du tout. j'essayais de la faire rire et comme elle était très nature elle riait volontiers. avec les autres aussi, bien sûr. bon.
j'ai eu quelques déjeuners à la cantine à côté d'elle pendant que les autres gâchaient tout en lui racontant des blagues salaces et qu'elle riait quand même, de bon coeur, sans la moindre trace de gène. son rire lumineux à leurs grossièretés, quelle majesté.
un jour d'examen blanc j'ai quitté la salle en me retournant juste pour l'apercevoir une fraction d'instant, le temps de saluer les copains d'un geste de la main. je saluais, mais juste pour pouvoir la voir elle. ce qu'il s'est passé, c'est qu'elle me regardait partir. elle avait dû me regarder me lever, ranger en silence mes affaires dans mon sac de lycéen, et peut-être, probablement, me suivre des yeux jusqu'au bureau du surveillant à qui j'ai remis ma copie de philo. elle me regardait, sinon comment expliquer qu'elle me souriait déjà quand je me suis retourné pour la voir ?
on la voulait tous. moi j'ai eu ça. j'ai eu ça. ce sourire irradié. j'ai eu ça.