6/24/2006

coule la grasse vérité des siècles immondes

une intuition provoque le réveil : le grand boum est un big bang, à la fois la fin de la guerre et le jour nouveau. le son irradie encore la ville entière, disparu il bourdonne encore, ombre froide, dans les crânes des vivants. un instinct : celui de l'éveil. je sens que je peux sortir, confiant je franchis le seuil en ruine. je quitte les ténèbres pour la lumière. le ciel est gris, c'est une chappe, fine, laiteuse, définitive, certaine, étouffante. entre le ciel et nous, les quelques survivants, des ruines. de la grande rue qui fut prospère, animée, ne restent que des ruines. les ventres béants des maisons bavent les cadavres déshumanisés : la position des corps est impensable. la guerre contraint à voir, à faire face, à prendre conscience pourtant de l'inimaginable. l'impossible est désormais un fait qui impose au regard sa certitude, son évidence, sa reconnaissance et il faut bien s'y faire.
je marche.
j'enjambe pierres à terre qui furent des murs, des toits. je franchis cratères noir et sang, j'évite mal os sous mes pieds. oppressé je cherche l'odeur de l'air sous le vent lent mais ce que je renifle confond la poussière soufflée hors des crânes gris et le souvenir du parfum de la pluie. mes yeux se risquent au ciel mais ce qu'ils voient est désolation : les façades des immeubles ne dissimulent plus rien. dressées maladroites et fragiles, elles pleurent, me semble-t-il d'abord. en fait s'écoule des murs la peinture qui les couvrait. le flot est gras, boueux, organique, il descend jusqu'au sol avec la calme certitude de sa fin. ce qui coule ainsi n'est pas la rançon de la défaite. ce qui coule ainsi est le roulement imparable de la victoire, c'est la marche des armées glorieuses dans les rangs vaincus des soldats qui se rendent. les façades vomissent enfin leurs masques, révélant leurs vraies natures. je comprends dans le même mouvement que les ruines sont les vrais corps maladifs des maisons, les cratères les vraies structures malsaines des routes, les crânes sont les vrais visages morbides de ceux qui furent des hommes. la vérité sort enfin de sa planque et se montre telle. la guerre finie, plus besoin de se voiler, de se cacher. il n'y a plus rien à craindre. les fenêtres difformes aux façades sont des gueules puant l'enfer, des gueules qu'on avait voulu oublier, qu'on avait cachées quand notre peuple était le vainqueur, et qui aujourd'hui retrouvent leur vérité.
la cathédrale, à ma droite. dès l'entrée j'entends résonner l'orgue. son chant ne porte aucune émotion car il n'y a plus rien à ressentir. je crois entendre un choeur. je tourne la tête à gauche, vers le monument aux morts que je connais bien. mais mes yeux découvrent son nouveau visage qui est le premier, le seul, celui de toujours : c'est un ange bienveillant dont la tête qui est d'un aigle penche avec une compassion résignée vers la dépouille balante d'un soldat démembré porté comme un enfant.

5/25/2006

les films d'amour me font pleurer

les films d'amour me font pleurer, les cons. c'est pas tellement que je m'identifie. c'est pas tellement que je me projette. je pleure sur ce que je n'ai pas. ces filles des films, tout ça. de n'avoir rien vécu me fait pleurer de ne pas avoir même de regret. je pleure tout seul, loin après que le film est fini. je pleure et je me prends pour un con. elles sont si belles. elles sont si pleines de vie. elles molardent à ma gueule que la vie est la vraie voie. la vie. elles me jurent que vivre, c'est trop mortel. que se plaindre c'est pourri. mais moi me plaindre c'est tout ce qu'il me reste, laissez-lemoi encore un peu, s'il vous plaît. un jour je m'en ferai une, juste pour voir. juste pour lui montrer ce que c'est, la vie, quand on n'en a pas. un jour, c'est elle qui pleurera sur ce qu'elle n'a plus. et encore, perdre, c'est avoir vécu. elle aura encore raison et j'aurais encore fait une connerie. fait chier.

je suis la touche du piano

un si bémol tout en haut. la touche qu'on ne joue pas. frôlez-moi, j'ai besoin de vos doigts. aucun besoin de presser fort : mon coeur est un pétale cristallin, c'est l'effleurement qui l'épanouit. frappé, sa stridence est l'alarme de sa fragilité. j'ai sous ma nacre une poudre émouvante prête à s'épandre dans le ciel, légère. mon corps est lourd. mon âme est lumière. frôlez-moi même par pitié. frôlez-moi. frôlez-moi.

4/15/2006

barbecue dans mes chiottes

dans la cuvette des chiottes les grillons morts s'amoncellent. j'en vois un sur le sol de la salle de bain, sur le dos. il est long, noir, grand comme la main, immobile. alors que mon urine gicle sur le tas de grillons l'un d'eux se réveille et me saute à la main. ses mandibules plantent le muscle sans douleur. je le vois recommencer, plonger ses mâchoires luisantes dans ma chair, et je manque me pisser dessus. j'agite la main pour m'en débarrasser mais rien à faire. je décide de lui couper la tête. il lâche prise, j'observe la section rouge briller d'où aucun sang ne coule. son corps sec s'échoue mollement dans la cuvette sur les corps morts de ses frères infâmes. je tire la chasse et j'attends : l'eau lave l'email et s'évacue, mais lorsqu'elle remonte c'est pour charrier les mêmes cadavres souillés. l'amas stagnant laisse une trace brunâtre sur l'émail blanc. à mes côtés dort une fille qui s'appelle diane ou jeanne. je me lève la tempe battante et les mains moites. j'essaie de ne pas marcher sur tous les détritus qui jonchent le sol de l'appartement. mon effort est tel que je n'entends pas la voix de ma mère qui me dit reprends-toi.

4/07/2006

état d'ame et ta soeur

la seule femme qui m'ait jamais aimé n'est plus là pour me dire molo sur le sirop. à chaque verre j'espère la faire revenir pour qu'elle arrête mon geste. je sens presque sa main, elle n'est pas loin, elle va peser sur mon bras, allez, allez allez allez. au prochain coup peut-être ? si je bois, c'est pour arrêter de boire finalement. comment cesser quelque chose qui n'existe pas ? au moins je sais que puisque je bois il est possible, il est envisageable, disons il existe peut-être une succession d'éléments qui alignés dans l'ordre comme des bons petits soldats du hasard vaincront le dernier geste. si je ne buvais pas, aucun espoir d'arrêter. arrêter est ma chimère, mon utopie, cet horizon qui me sourit. à qui dit-elle ses mots doux aujourd'hui ?

4/02/2006

livrés à nous-memes

mon libraire va déposer le bilan. c'est une page qui se tourne. oh le jeu de mot est facile, la réalité l'est beaucoup moins. quand il y a quelques années mon libraire avait traversé une période financièrement difficile, un client l'avait sorti de la mélasse en lui prêtant 100 000 francs. c'était l'époque où l'on prêtait des francs, et où on en prêtait 100 000 à un libraire qu'on aimait bien. je n'ai pas 100 000 francs, ni même les quelques euros qui lui redonneraient courage. il ne me les a pas demandés, et je n'ai même pas pu les lui proposer par politesse. à force d'avaler trop de liquide je n'ai plus assez de liquide pour éponger les dettes de mon libraire.
il lui reste un mois à tenir avant que la situation ne devienne critique pour ses fonds propres. après, je lui paierai un verre, on verra.

4/01/2006

chambre à toucher

avez-vous déjà couché avec une fille sans coucher avec elle ? j'en étais sûr. moi oui. en plus elle s'appelait linda.
un 14 juillet arrosé, la chambre à coucher d'un ami, une fille amoureuse, ne me demandez pas pourquoi. j'étais encore jeune et elle moins vieille encore. nous avons passé la nuit collés l'un à l'autre. je me souviens bien de linda sur moi, et moi cynique au point de passer mes mains sur son corps sans jamais oser toucher ses seins.
quoi que vous en pensiez, sachez que je suis d'accord. j'ai caressé linda qui aimait bien ça, et dans ma débilité d'ado mes mains s'arrêtaient chaque fois à la frontière de son soutien-gorge. un soutien-gorge peu rempli mais tout de même. les seins de linda, je les ai imaginés frais, les tétons roses, pendant toute une nuit, mais je n'en ai jamais rien su. je n'ai su que la peau souple, douce. le bassin tendre. elle m'a dit que j'avais une grosse langue, c'est vrai que la sienne était adorable. je pensais être super fort, me contrôler à 100% malgré l'alcool et une érection spectaculaire impossible à masquer. j'ignore encore pourquoi j'ai fait ça. j'avais cédé à linda alors que je m'y étais refusé jusque là. peut-être les éclats du feu d'artifice. elle m'avait déclaré sa flamme en me tendant un briquet bien que je ne fumasse pas. je m'étais dit "que c'est con".
une nuit à caresser une fille qui ne demandait que ça sans jamais franchir les frontières stupides de la morale. cette nuit-là j'ai pensé que mon esprit l'avait emporté sur mon corps, belle connerie. conclusion, un lendemain sans rien de neuf sous le sommeil, une fille frustrée et un mec prétentieux de plus.
il m'aura fallu du temps pour comprendre que sous prétexte de la respecter je ne respectais que moi et ma pruderie mal placée. que j'avais râté l'occasion d'un plaisir, pire, d'un bonheur. qu'un ado ne sait rien quand il croit tout savoir et que les filles sont plus fortes que lui. je me méfie depuis des 14 juillet.

3/11/2006

fluctuat nec murgitur

le bonheur le bonheur le bonheur. le bonheur n'est jamais loin, entends-je dire. ok, mais où ? ma bière non plus elle est pas loin. et elle au moins, je sais où elle est.

3/09/2006

départementale to hell

ça m'a pris dans le bus. j'ignore pourquoi. d'un coup j'ai pensé à sandra. je n'ai pas pensé à son nom de famille en revanche. c'était la fille (la fille) qui voulait sortir avec moi quand j'étais à la fac.
sandra n'avait pas un joli visage. très lisse, blonde, les cheveux tirés en arrière, elle se tenait très très droite, un air un peu autoritaire avec de lourdes lunettes, monture noire et carrée. une grande bouche, les dents blanches grandes. bref, une fille comme on ne veut jamais rester trop longtemps à parler avec.
une autre fille que je targettais sans espoir et qui n'en avait rien à foutre et dont j'ai pour le coup oublié jusqu'au prénom m'a dit que sandra m'aimait bien. le choc. la seule fille qui m'aimait bien, je l'aimais pas bien. j'ai passé les semaines qui suivirent à ne rien fantasmer, un peu déçu.
ce matin dans le bus, sandra. et j'ai repensé à ce corps incroyable. des seins épais, levés très hauts comme elle se tenait très droite. une taille tendue et souple, un cul de ceux qui font qu'on sait, un beau jour, qu'on est un homme. des mains fines, lentes, qui flottaient derrière chaque geste. sandra. elle sentait bon, parfum frais, propre, et elle souriait toujours. elle était un peu à part parce qu'elle était moins conne. moi, j'étais à part parce que j'étais bien con. je me suis dit aussi dans le bus que j'avais perdu ma petite marguerite blanche deux ans plus tard. deux ans.
je suis sorti du bus. au totemland en face de l'arrêt j'ai pris un café calva. un autre. ensuite je suis allé bosser.

ça commence bien

je regrette d'avoir choisi ce template. je regrette d'avoir bu avant de m'en rendre compte. je regrette de boire pour oublier que je le regrette.
Cheerio.