6/03/2011

saint supplice

ça remonte à l'époque où je ne considérais plus la vie à l'image d'un type debout qui marchait tranquille, mais comme un type en loque, à genoux sinon à plat ventre au fond d'un puits où mourait une lueur fade et grise, lequel type de temps en temps parvenait à trouver la force de se hisser pour voir à quoi ressemblait le monde hors du puits : de verts patûrages interdits troués d'autres puits innombrables. ma rencontre avec f date de l'époque où je commençais à voir la vie comme ça. bien après l'adolescence, en somme.
f donc. et son cortège de tout ce qu'on veut. le tissu souple et blanc de la chair, sa douceur qui s'irise sous la lumière, le regard droit, c'est vrai, mais l'eau s'y trouble d'un doute, une question, la quête d'une vérité, une remise en question de la parole de l'autre, et puis les grains si absolument discrets égarés sur la joue, la tendresse qui apaise à la naissance du sourire, la rondeur élégante de l'anatomie qui porta. il y aurait tant à dire encore.
f avait osé son iris d'eau claire dans l'oeil du puits où je m'étais réfugié. soudain l'hiver m'a semblé moins long.
je n'ai eu aucune histoire avec elle. non pas que je n'aie rien souhaité. célibataire, j'en étais d'autant plus homme. on aura compris que les frontières furent définies par f. tacitement. calmement. maîtrisant du bout de ses doigts longs les élans de mes trippes. n'autorisant rien. pas même un merci. rien.
comment ? il y a un art de ne rien laisser dire qui est de tout deviner. la parole devient inutile. advienne que ne pourra pas.
qu'allais-je dire pourtant ? allais-je lui murmurer sous quels palais inaccessibles je voulais ses caresses ? lui conterais-je comme j'entendais le tempo des battements de ma peau sur la sienne ? révélerais-je la géographie rêvée de mes mains sur ses hanches ?
allons. il y aurait eu tant de jolies choses à dire avant. ensuite, et quand bien même de telles idées auraient existé, elles m'auraient tenu chaud et j'aurais eu peur de perdre ce feu. enfin je manquais de noblesse, et pour combler ce vide la seule particule que je trouvais à m'inventer fut de jouer le jeu du silence. fut-ce utile : j'ignore toujours de quoi f avait peur. j'ignore même si elle avait peur.
oh bien sûr le souvenir de f se gorge de regrets avec une franche avidité. moi, je laisse mûrir dans mes reins une terre fertile où chaque saison poussent mille compliments. ah ! temps béni de l'adolescence où les mots bruts et maladroits sont simples au moins, où le romantisme exubérant ne sonne pas encore niais, et où les baisers dans l'ombre n'engagent que l'instant.

3 comments:

Panix said...

Aaah, le retour d'Yves. Chaque mot est un plaisir minuscule, même sans majuscule.

Yves Remords said...

Merci majuscule ami ! Comment vas-tu ?

Pierre said...

Ça va fort bien, merci. J'ai mis de côté mes propre remords pour céder à l'appel du commerce:
http://transat-ceative.fr
A bientôt !